Je suis un écrivain public qui écrit AUSSI pour les robots
- Par Agathe Costes
- Le 14/03/2017
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Le 1 est un journal hebdomadaire fondé par deux anciennes, et illustres, plumes du Monde (Éric Fottorino, Laurent Greilsamer) et Nathalie Thiriez, sa directrice artistique. Il a pour particularité de n’être constitué que d’une seule page, qui se déploie progressivement en se dépliant, et de proposer des articles, des dessins, des poèmes, des entretiens répondant à un thème. Sa nature est unique, ses intervenants brillants et ses contenus toujours pertinents. Dans l’un de ses numéros de 2016, le 1 se penchait sur le thème : « Qui choisit l’info ? »
En le lisant, j’ai découvert l’étendue de ma candeur concernant la circulation des informations. J’ai enfin pleinement assimilé que ceux qui rédigeaient des articles diffusés sur le net optaient délibérément pour une écriture leur permettant de tenir le haut du pavé en matière de PageRank. Ce constat paraît évident, mais ce qui m’a le plus interpellée est ce qu’il en résulte : ceux qui écrivent sur le Web destinent leurs articles à leurs potentiels lecteurs mais aussi, et surtout, à des robots. Pour citer Éric Scherer, Directeur de la prospective à France Télévisions, interrogé par le 1 dans ledit numéro : « À partir des années 2000, certaines rédactions ont privilégié une écriture de titres permettant aux articles d’être bien placés dans les moteurs de recherche. Cette pratique a généré un risque énorme et un cauchemar pour les rédactions : s’apercevoir que Google dirige la conférence de rédaction du matin car c’est en fonction des requêtes et des recherches des internautes la veille qu’on va déterminer les sujets qui intéressent. »
Lors de la refonte complète de ce site, j’ai consacré quelques jours à me former sur les bonnes pratiques en matière de référencement, afin d’apprendre quelques bons usages de la rédaction sur le Web et d’essayer de maintenir mon site en première page du sacro-saint-Dieu-tout-puissant de l’ère 2.0 : Google. En France, moins de 10 % des utilisateurs osent encore s’aventurer sur d’autres moteurs de recherche. Lors de ces quelques jours d’apprentissage, ce que j’avais compris la moue déconfite à la lecture du précieux 1 s’est confirmé : si je veux que mon site soit vu, je dois écrire pour ceux que je suppose être mes futurs lecteurs, mais également pour nos amis les robots indexeurs. Voilà, je suis un écrivain public qui écrit AUSSI pour les robots. Mea-culpa.
Écrire — avec efficacité — sur Internet exige notamment de concevoir des phrases courtes, avec une structure classique (sujet-verbe-complément : ne cherchez pas à parler comme Yoda, ça ne sert à rien), d’utiliser des mots et des expressions ciblés selon le sujet exprimé et les lecteurs recherchés. Néanmoins, ces contraintes d’écriture dignes d’un atelier d’écriture de l’Oulipo ne sont pas suffisantes, vous devrez en outre donner à manger fréquemment au géant mondial américain, semer de façon pertinente des liens retour (backlink), susciter les clics vaille que vaille, etc. Enfin, si ce travail de référencement vous ennuie, aujourd’hui on vous propose une nouvelle option, plus frontale : payer. Vous pouvez également faire appel à des professionnels de l’exercice.
Les autres pages de ce site répondent de façon plus appropriée, ou du moins essaient, aux caractéristiques de ce type de rédaction. En revanche, ce blog n’est vraiment pas un exemple d’écriture pour le Web. Je n’ai pas prêté attention à sa longueur, j’ai souhaité la construction de mes phrases variée pour une lecture plus agréable et je n’ai pas inséré volontairement çà et là les successions de mots adéquates. Ce blog a cependant le mérite de faire vivre mon site et de conserver un lien régulier avec mes contacts. Malgré cette insoutenable pression numérique, j’aspire AUSSI à écrire pour ceux qui sont pourvus de jambes et de bras et non de câbles et de circuits. Car au bout de leur bras il y a des mains, au bout de leurs mains il y a des doigts, et parmi ceux-ci il s’en trouvera bien quelques-uns pour cliquer frénétiquement qu’ils aiment cet article sur Facebook, LinkedIn, Viadeo et propulser ce site sur le podium en page 1.
Et le serpent se mordit de nouveau la queue. Google, ton univers impitoyable.
Merci pour ceux qui s’y adonneront en tout cas.
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En complément de lecture et de culture, je vous propose ci-dessous les liens du 1, de l’Oulipo et d’un article récent sur les parts de marché des moteurs de recherche dans le monde.
http://www.webrankinfo.com/dossiers/etudes/parts-marche-moteurs#gref.
Bonne lecture et à bientôt.