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La difficulté de se faire comprendre
- Le 16/08/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Vous pouvez l’observer dans le domaine professionnel, comme dans votre vie privée : l’une des clés du succès est la qualité de la communication (orale ou écrite).
Qu’il s’agisse d’une conversation entre deux personnes, deux entités, d’un message à faire suivre à un groupe de salariés ou d’amis, d’un dialogue au sein d’un couple, la difficulté reste identique. Nos incompréhensions peuvent d’autant plus nous frustrer que l’information que nous cherchons à transmettre nous semble évidente.
Alors, pourquoi les autres ne nous comprennent-ils donc pas ?!
Prenons l’exemple le plus simple : une personne A énonce un message à une personne B. La personne A et la personne B possèdent chacune leur vécu et ont développé leur propre sensibilité. Ainsi, un mot peut résonner de façon différente d’une personne à l’autre et pourra également éveiller des souvenirs positifs ou négatifs chez l’émetteur, comme chez le destinataire. Apparaissent déjà quelques fritures sur la ligne…
Ensuite intervient un aspect qui nous trompe souvent : dans nos discussions, le contexte joue un rôle prépondérant. Il arrive fréquemment que l’on prête plus attention à ce que pourrait contenir un message qu’au message lui-même. Par exemple, lorsqu’une personne A dit « j’ai froid », la personne B « entend » qu’elle doit monter le chauffage, fermer la fenêtre, etc.
Lire entre les lignes peut nous aider, comme nous induire en erreur.
Parmi les nombreux services proposés par un écrivain public, figure celui de la lettre. Cette correspondance peut être une réclamation, une négociation, une demande de remboursement, une déclaration d’amour, une fin de non-recevoir…
Dans ce type de prestation, l’une des subtilités de notre profession consiste à savoir marier avec efficacité une demande claire et bien amenée avec son lot de messages implicites. Dans beaucoup de courriers, il faut non seulement se faire comprendre facilement, mais aussi indiquer, sans le dire nommément, ce que peut recouvrir le texte rédigé. Un exercice ardu, mais… passionnant !
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TRAPS
- Le 12/07/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Bon, cet été, attention, on évite les pièges ! Les pièges à touristes ainsi que les pièges grammaticaux, cela va de soi.
Quand pensez-vous ?
Oups, désolée… Qu’en pensez-vous ?
En ne veillant pas à l’orthographe, il nous arrive de modifier complètement le sens d’une phrase. Dans le cas ci-dessus, je vous ai même manqué de politesse en sous-entendant que… vous ne pensiez pas tout le temps !
Un comble, n’est-ce pas ? Et non pas des combles… Homophonie, quand tu nous combles !
Comme quoi, les Anglais ne possèdent pas le monopole des mots revêtant des sens différents. Dans le royaume de Sa Majesté, piège se dit « trap », tandis qu’en français une chausse-trappe désigne… un piège. Ce qui revient à dire que les mangeurs de grenouille et les « roast-beefs » ont plus de points communs qu’ils ne veulent bien l’admettre.
Le verbe débuter appartient à l’un de ces nombreux pièges. Il est intransitif, ce qui entraîne qu’on ne débute pas quelque chose, mais que quelque chose débute.
Pardonner est, lui, transitif direct, et indirect lorsqu’il s’agit d’une personne. Vous pardonnez à votre épouse d’avoir mis vos chemises blanches avec son haut rouge dans le lave-linge ; vous pardonnez cet oubli. En revanche, l’inverse n’est pas vrai : vous ne pardonnez pas votre épouse, vous ne pardonnez pas à son oubli.
Ou sinon, vous pouvez toujours bouder…
Enfin, l’achat de nouvelles chemises engendrera fatalement une nouvelle dépense pécuniaire et non des besoins pécuniers, cela ne se dit pas.
Ce sera tout pour cette fois. En attendant, passez un bel été et évitez les pièges à… touristes !
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Bref ou riche ?
- Le 15/06/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Selon moi, nous venons tout juste d’assister au tweet de la décennie. Je n’évoquerai pas plus cette actualité qui alimente déjà assez la Toile, les médias et les conversations, mais je pense que c’est le moment de constater qu’avec peu de mots, on peut dire beaucoup de choses !
En recherchant des informations liées aux vertus de la concision, je tombe sur une double définition du mot aphorisme, qui signifie visiblement une chose et… son inverse (les deux faces d’une même pièce ?). Le Larousse nous laisse ainsi le choix entre une « phrase, sentence qui résume en quelques mots une vérité fondamentale » ou un « énoncé succinct d’une vérité banale ».
Alors, c’est du lard ou du cochon ?!
N’ayant donc pas avancé sur ce point, je m’interroge : est-ce positif de pouvoir dire beaucoup en très peu de signes ? Ne vaut-il pas mieux savoir détailler son raisonnement ?
Avant le « drame », le Philosophie magazine du mois de juin - que je vous conseille d’acheter - titrait l’un de ses articles Le règne des formats courts. Plutôt visionnaire…
Dans ce papier extrêmement bien écrit, il est précisé à tour de rôle que :
1. Les idées ont besoin de temps pour imprégner une personne : « La pensée a besoin de place pour dérouler son chemin, déployer ses arguments, former une image dans l’esprit du lecteur. »
2. Les formules simples valent parfois bien mieux que les ouvrages contenant plus de pages qu’un dictionnaire : « Les vérités les plus importantes sont banales dans leur résumé et affreusement compliquées dans leur détail. »
3. Pour trouver un haïku (format très court), il faut méditer et réfléchir pendant une durée indéterminée : « Ils étaient inséparables, à l’origine, d’une expérience de la marche qui pouvait s’étirer pendant des semaines ! »
Et vous, alors, les mots ?
Vous les utilisez avec parcimonie ou vous les laissez s’étaler dans toutes les pièces de votre discours ?
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Les amoureux des mots
- Le 11/05/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Les mots soufflent, les mots chantent, les mots dansent, les mots sonnent…
Moi si j’étais un mot, je serais capitaine… ou président ?!
Après tout, les anaphores sont à la mode depuis peu, autant les utiliser à outrance maintenant.
J’ai mentionné dans l’article précédent (vous l’avez lu avec attention, bien entendu) la possibilité d’apercevoir le sens d’un mot rien qu’à sa sonorité.
Cet aspect musical est l’une des nombreuses raisons qui me font aimer les mots. Et, à ma grande joie, cela me confère un point commun avec un homme les connaissant particulièrement bien : Bernard Pivot.
Dans Les mots de ma vie, il les détaille avec passion et délice.
Florilège (et pas best of...) :
Foutraque
« Charles Dantzig le range dans sa liste d’expressions et de mots morts. Cependant, le trouvant “charmant” et l’ayant “pris à Sagan”, il l’a “remis en circulation” autour de lui. […] En dépit d’une folle concurrence : dingo, cinoque, ouf, louf, barjo, toc-toc, maboul, etc., je suis resté un utilisateur de foutraque. Dantzig et moi nous enfermera-t-on à Charenton, tontaine et tonton, si nous créons le Front des Frappadingues de Foutraque (FFF) ? »
Générosité
« La générosité du cœur. La générosité de tous les jours. Celle qui s’exprime avec des gestes, des mots, des sourires. Naturelle, spontanée, gaie, la générosité qui est comme un réflexe, une manière d’être. Elle ne coûte rien, sinon une attention aux autres, qu’ils soient présents ou absents. »
Folichon
« C’est un adjectif amusant, vieilli, qui signifie que quelque chose est agréable, gai. Mais il ne s’emploie que négativement. On ne dira pas qu’on a passé des vacances folichonnes, mais qu’elles ne l’ont pas été. »
Cul
« Ce n’est pas parce qu’on s’assied sur le cul qu’il est permis de s’asseoir sur le mot. »
Non, mais !
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Symbolisme phonétique...
- Le 16/04/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Daniel Tammet est autiste Asperger. Pour les non-initiés, cet homme est un génie des nombres et des langues. Comme quoi, contrairement à la pensée commune, nous ne sommes pas uniquement cantonnés à un seul domaine de prédilection. Nous pouvons très bien être efficaces en calcul mental et nous souvenir avec précision de nos dernières lectures.
Daniel, lui, récite pi pendant cinq heures d’affilée et apprend une langue en une semaine.
Je vous accorde qu’il se situe un poil au-dessus de nos capacités intellectuelles.
« L’art d’être sage, c’est l’art de savoir quoi laisser tomber. » William James
Je vais donc laisser tomber pi. Par sagesse évidemment.
Et je vais évoquer un point abordé par Daniel Tammet lorsqu’il explique la manière dont il a travaillé son apprentissage hebdomadaire...
Il parle du « symbolisme phonétique » des mots. Par exemple en français, les mots débutants par lu- sont le plus souvent associés à la lumière : lueur, luciole, lustre, lune, etc.
« Des exemples comme ceux-ci montrent que certains sons/mots ont une correspondance non fortuite avec l’objet qu’ils décrivent […] Au cours d’une expérience récente, le scientifique Brent Berlin fit entendre à des anglophones une liste de noms de poissons et d’oiseaux issus de la langue huambisa (une langue du Pérou) ; et découvrit que les sujets étaient capables de distinguer les mots décrivant un poisson de ceux qui décrivaient un oiseau (et cela sans l’aide du facteur chance) », souligne Daniel.
Afin d’illustrer cette relation entre le sens d’un mot et sa sonorité, le génie anglais propose un test. Je vais donc vous présenter trois de ces questions et vous bénéficierez des réponses sur la page facebook du Cabinet :
http://www.facebook.com/#!/pages/Cabinet-Agathe-Costes-%C3%A9crivain-public/182916225107840
1. L’adjectif « pambalaa » dans la langue africaine siwu décrit :
a) une personne mince ?
b) une personne ronde ?
2. Le mot « durrunda » en basque évoque-t-il ?
a) un bruit doux ?
b) un bruit fort ?
3. Le verbe malais « menggerutu » est utilisé pour :
a) une personne qui rit ?
b) une personne qui râle ?
En ce qui me concerne, j’ai visé juste pour les trois, et j’attribue plus ma réussite au « symbolisme phonétique » qu’à mon talent !
Si jamais je suis parvenue à vous mettre l’eau à la bouche, les dires cités dans ce blog sont contenus dans l’ouvrage suivant : Embrasser le ciel immense aux éditions Les arènes. Je vous le recommande vivement.
Pour les courageux, bonne lecture. Pour les curieux, rendez-vous sur facebook...
À la prochaine !
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Créatrice de mots
- Le 13/03/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Tandis qu’en février je dissertais sur ce qui se dit et ce qui ne se dit pas, j’ai découvert en mars que nous pouvions suggérer des idées aux membres de l’Académie française…
Le site http://wikilf.culture.fr/ vous permet d’inventer et de proposer de nouveaux mots à inclure dans vos chers et tendres dictionnaires, oui, vous savez cet objet qui, en une fraction de seconde, vous fait passer de l’état de grand savant du lexique à celui de « buse » en vocabulaire, ou l’inverse. Cela dit, je n’ai rien contre les buses.
Cet outil collaboratif (le site, pas la buse) vous permet d’enrichir la langue française à votre guise, en espérant que votre (bon) mot passe à la postérité. Vous imaginez ?
« Oui, je suis créatrice de mots.
- Vous voulez dire de mode ?
- Non. De mots. »
Bien plus snob en effet.
J’ai sélectionné pour vous quelques perles du genre destinées à couper la chique aux anglicismes.
Vous connaissez l’happy hour, ce moment convivial où, après une harassante journée de travail, vous retrouvez vos amis pour boire un verre. En français, les internautes soufflent : « l’heure exquise », « l’heure heureuse », ou – encore mieux – « l’heureureuse », difficile à dire et à écrire, mais avec une sonorité amusante, enfin est avancé le lugubre « promeur » en raison de sa contraction de promotion et heure… Chacun ses goûts.
Pour le week-end on lit le « samdim », pour le clubbing on aperçoit « noctodanse », pour un thriller on recompose un « frileur » (contraction de frisson et thriller), et enfin pour un flirt (avec toi ?) certains feraient n’importe quoi : comme « fleureter » en contant fleurette !
Si vous aussi, vous voulez jouer avec les mots, vous avez désormais une bonne adresse…
À bientôt !
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Aujourd’hui café franco-philo
- Le 09/02/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Questions : pourquoi des termes couramment utilisés dans nos conversations sont-ils déconseillés et d’autres deviennent des composants de notre langage ? Pourquoi est-il contre-indiqué d’employer impacter alors que vient d’entrer massicoter dans la dernière édition du dictionnaire de l’Académie française ?
Ce que je dis ne repose sur rien d’autre que ma conviction (c’est peu en effet) mais il me semble tout de même qu’aujourd’hui, en 2012, nous disons plus fréquemment impacter que massicoter.
« La mode c’est ce qui se démode » disait Jean Cocteau. A la lumière de la conjugaison de massicoter (nous massicotons, vous massicotez…) on n’en doute pas.
Il y a peut-être des éléments de réponse dans les phrases suivantes (issues du site de l’Académie) :
« L’orthographe s’est considérablement transformée, tant du fait d’une évolution naturelle que par l’intervention raisonnée de l’Académie, des lexicographes et des grammairiens. La réflexion sur l’orthographe doit tenir compte de données multiples et souvent contradictoires, comme le poids de l’usage établi, les contraintes de l’étymologie et celles de la prononciation, les pratiques de l’institution scolaire, celles du monde des éditeurs et des imprimeurs, etc. L’Académie s’est employée, tout au long de son histoire, à maintenir un équilibre entre ces différentes exigences, l’expérience prouvant que les projets abstraits des réformateurs ne sauraient à eux seuls faire plier l’usage. Ainsi adopta-t-elle en 1835, dans la sixième édition de son Dictionnaire, l’orthographe -ais pour les mots terminés jusqu’alors en -ois mais prononcés depuis longtemps è (le françois, j’étois, etc.), réforme réclamée au siècle précédent par Voltaire. »
Comme le souligne Chantal Rittaud-Hutinet dans Parlez-vous français : « Ce que certains considèrent comme le français orthodoxe, le seul pour eux ayant droit de cité, n’est en réalité que l’ensemble des normes abstraites que l’on trouve dans les dictionnaires, les livres d’orthoépie (prononciation normée) et les grammaires. »
Ainsi nous avons besoin de normes pour nous repérer, nous éclairer… et surtout nous indiquer si Hubert-votre-beau-père peut effectivement se permettre d’ajouter en toute innocence zythum sur le mot compte triple au Scrabble. C’est vrai, sans cela, que serions-nous ?!
Il serait peut-être alors sage d’indiquer les fautes ou les écarts de langage lorsqu’on les constate, tout en gardant à l’esprit que nous ne manquerons pas d’en faire.
L’erreur est humaine.
Personne n’a la science infuse.
Et les discours d’aujourd’hui ne seront pas toujours ceux de demain. Mais ça, certains le savent mieux que d’autres.
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Chronique musicale d’un langage témoignage
- Le 11/01/2012
- Dans L'instant culture de l'écrivain public : pause-café, pause français
Tout d’abord je vous présente mes meilleurs vœux pour l’année 2012. Oui, même un 11 janvier on n’y réchappe pas. Je vous rappelle que réchapper signifie « échapper par chance à un danger grave ». J’ai failli ne pas vous souhaiter la bonne année sous prétexte qu’elle était déjà bien entamée. Vous pouvez mesurer le « danger grave » que cela constituait.
Mais passons.
Hier, tandis que je regardais tranquillement Femmes au bord de la crise de nerfs (« feeeeeemmes, je vous aime »), je remarquai un plan sur des bobines de films, leurs pellicules plus précisément. D’une idée à l’autre, je pensai qu’en espagnol un film se disait « película ». Pourtant à l’heure du numérique et de la 3D il ne me semble pas qu’on ait déjà employé, chez nos voisins hispaniques, le terme « numericula ».
Court exemple démontrant que le langage est aussi le témoignage de notre propre histoire.
La condition des femmes (« femmes des années 80 ») au cours du siècle dernier apparaît également dans notre emploi actuel des mots où, par exemple, madame la préfète n’est autre que… l’épouse du préfet (« être une femme libérée, tu sais c’est pas si facile »). Heureusement les mœurs (« œ dans l’a, t-i-t-i-a ») ont bien changé… Cela apparaît aussi pour ce mot, loin d’être innocent, et qui fait drôlement polémique depuis quelque temps : mademoiselle (" chante le blues ? "). Eh oui, à une époque où on fait des enfants sans se marier (« elle a fait un bébé toute seule ») et où les statistiques sont impitoyables quant au nombre de divorces, que peut bien vouloir encore dire mademoiselle ? Mais ces incohérences, ces petites hésitations, comme celles entre le tutoiement et le vouvoiement (« c’est mon ami et c’est mon maître, j’le vouvoie encore aujourd’hui »), aussi perturbantes soient-elles, ne sont-elles pas charmantes ? Notre langue influence même les situations sociales les plus anodines…
- Madame, heu pardon… mademoiselle (" quoi ma gueule, qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? ") !
Mais peut-être est-ce madame ? (« mademoiselle, c’est mademoiselle, et puis d’abord de quoi j’me mêle ?! »)
C’est vrai ça… De quoi je me mêle ?
P.-S. : si vous voulez faire un « blind test » parolier (titre et interprète s’il vous plaît !), c’est par ici :
http://fr-fr.facebook.com/pages/Cabinet-Agathe-Costes-%C3%A9crivain-public/182916225107840
Rappelez-vous, c'est l’endroit où on partage la culture et la confiture sans facture.